mercredi 27 mars 2013

La fête de l'Igname ou le nouvel an Kanak

    Tubercule sacré, « l’igname naît des entrailles de la terre comme l’enfant naît des entrailles de sa mère ». Il symbolise la fidélité aux ancêtres, l’attachement à la terre, et constitue l’aliment de base de la culture kanake. Le cycle de sa récolte détermine le calendrier social kanak.

     C’est à l’occasion de sa récolte, de février à avril, qu’ont lieu dans chacune des trois cents quarante et une tribus que compte la Nouvelle-Calédonie, les Fêtes de l’Igname. Il s’agit de cérémonies rituelles donnant lieu à des échanges coutumiers alliant gestes et paroles entre clans d’une même tribu.
La Fête de l’Igname est généralement célébrée entre membres de la tribu. Sur ce territoire qui reste fortement marqué par les "évènements" de 1984 à 1988, et divisé quand à la question de l’Indépendance de la Nouvelle-Calédonie que posera le référendum de 2014, le partage de cette fête traditionnelle entre kanaks et occidentaux reste un geste fort de sens.

(Ça c'est pas moi qui le dit, c'est internet)


     C’est une grande fête que nous avons vécu avec quelques uns de mes amis venu de Nouméa qui  venaient pour passer un simple week-end à la campagne et qui c’est transformé en un week-end mémorable pour chacun.

     Je vais vous raconter tout cela en détail en espérant être clair dans des explications, qui ne le sont pas toujours pour moi. 



     Tout d’abord, j’avais entendu parler de cette fête par quelques patients qui m’en parlé vaguement et une de mes collègues qui resté là son week-end de repos exprès pour cette fête. Dans ma tête, je voyais ça comme une fête de village. Après tout l’igname est certes l’alimentation de base des kanaks mais ça reste un tubercule.

     J’en parle à mes amis. Moi j’étais de garde et j’étais censée rester au dispensaire mais après tout ça ne se passait pas très loin. Une fois mon service du matin assuré avec quelques pansements, 2/3 gastros et un nouveau cas de dengue, Nous décidons d’aller y faire un tour en nous disant que nous trouverions probablement des choses à manger là bas.

     Nous allons donc vers « La Mission », un hameau à quelques kilomètres de Thio. C’est vraiment tout petit et nous ne voyons pas âmes qui vivent. Curieux…
J’aperçois la voiture de ma collègue qui était partie plus tôt. Parfait, c’est ici ! Sur le coup je ne trouve pas bizarre que ça soit dans un espèce de grand jardin et non sur la place. J’arrive en voyant ma collègue et je crie joyeusement « Alors, c’est ici que ça s’passe la fête ! » 
Nous sommes invité à nous asseoir et nous faisons connaissance avec tout le monde dans la joie et la bon humeur. Nous sommes convier à déjeuné avec eux, tout ce fait très naturellement. Ça n’est que plus tard que j’ai appris que ma collègue avait en fait fait coutume (demandé la permission de participer à la fête en apportant des présents dans un manou), que nous étions chez le chef de la tribu et que mon arrivée en fanfare l’a un peu surpris. Aller hop ! Les deux pieds dedans Amélie ! J'avoue l'avoir eu un peu mauvaise quand en plus ma collègue m'a dit qu'elle avait pensé nous envoyer un sms pour nous prévenir mais qu'elle ne l'avait pas fait.

    Néanmoins, nous avons été très bien reçu. Ils ont rajouté une table et nous nous somme attablés tous ensemble autour d’un festin à la kanaky. 

 La cuisine est faite au feu de bois

Sur un rail à marmite



Au menu (attention sortez vos bavoirs !)

-                       - Poulet cuit à l’étouffé au Naouli (plante régional dont je ne pourrais vous décrire la saveur)
-                      - Anguilles cuitent enroulé dans des feuilles de bananier
-                      - Daoua (poisson) fumé
-                      - Tête de cochon
-                      - Salade
-                      - Sans oublier l’igname



À coté de moi, le fils du chef, chef des pompiers de Thio (LA Classe !)

   Pas de dessert, curieux pour une population qui connaît un chiffre record de diabétique. Malheureusement je n’ai pas pu profité pleinement de mon repas car le petit fils du chef avait du mal à respirer et j’ai du l’emmener au dispensaire. Mais j’ai eu le temps de tout gouter quand même, c’était divin !



    Alors après c’est là que les choses se compliquent un peu. Il faut que je vous explique la traditionnelle danse du Pilou. Tout d’abord il faut expliquer ce qu’est une tribu. C’est en fait un regroupement de clan représentant chacun une famille. Et au finale on a l’impression qu’ils sont tous cousins quand il nous parle de leur famille. C’est un peu comme chez nous quand papa retrouve des arrières arrières cousins issu-issugermains, sauf que chez eux, ils n’ont jamais perdu le fil et qu’ils ne mettent pas plein de mots devant ni derière. Tous cousins, c’est plus simple.

    Donc la tribu regroupe 10 clans. Chaque année un clan est désigné pour avoir l’honeur d’ouvrir le bal. C’est celui qui détient le "pilou" qui est en fait un babou de 3/4 mètres de haut qu’ils décorent et autour du quel se déroulera la danse.

    C’est là que les choses deviennent plus flou. En fait nous avons attendu que le clan détenteur du pilou vienne vers nous pour nous inviter à aller chercher les autres clans. C’est là qu’a commencé le défilé de pick-up avec musique et klaxon (cf la vidéo à la fin).



 Avant tout ce faisait à pied

Maintenant on s'adapte à la modernité


    Ensuite nous sommes retournée chez nous (enfin chez notre hôte) et nous avons attendu (encore) d’être invité à danser le Pilou. 





     Et que la fête commence ! Il devait être 17 ou 18h quand nous avons commencé et la danse se termine au petit matin. Car en fait, chaque clan fait une espèce de coutume dansé à chacun. Autant dire 10 puissance 10 mais là je ne suis pas bien sûr de moi en disant ça. Bref, tout le monde danse par clan et il y a des échange de manou et surtout d’alcool. Tout le monde discute avec tout le monde pendant que d’autre clan danse, l’ambience et joviale et festive. Que du bonheur.

     Et comme me disait le chef qui me voyait stressé avec mon téléphone de garde. « t’as tout le monde ici ! les pompiers, l’ambulancier, un gendrame (qui s’est marier avec une kanak) et toi, l’infirmière. Et si il doit y avoir un soucis ce soir, ça sera ici ! »
Et bien ça n’a pas manqué ! Au beau milieu d’une danse, je vois un gars qui tombe comme une mouche. Impossible à réveiller malgré l’eau, les claques et même ma clé frotté fort sur l’ongle. Au poils, je suis sur place mais j’ai rien sous la main. Je m’acharne un peu et il finit par reprendre connaissance (le pauvre à dû avoir un bleu à l’ongle le lendemain). Et le voilà reparti pimpant à grosses goulées de bière. Ça me plait moyen mais bon… Difficile de s’imposer au milieu de tout ça. Je suis finalement rentrée par peur d’une grosse urgence.


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    Le lendemain nous étions invité à la « fête » de la tortue. Pour certaines grandes occasions, une autorisation spéciale est donnée pour tuer des tortues et la fête de l’igname en fait partie.

   La manière de faire peut en choquer certains mais c'est la tradition et j'ai trouvé que finalement l'animal est plus respecté que nos boeufs français. Les tortures sont pêchées la vieille ou l'avant veille par le clan des pêcheurs et offèrent à d'autre clan. Ils en ont pêché 3 cette année. Elle est gardé dans le jardin, sur le dos. 



     Puis elle sera tuée au petit matin, après le pilou, sur la plage. Ils disent que la tortue est un animal sacrée et que tout ce qu’elle mange est bon pour nous (même les sacs plastiques ?) du coup, nous mangeons absolument tout (même ce qu'il y a dans ses intestins) sauf la carapace évidemment.

    Un ragout est fait avec toutes les entrailles et la viande est cuite séparément. Le ragout à un gout d’escargot avec des bout d’intestins bien caoutchouteux et d'autres éléments non identifiés.  La viande à plutôt un gout de rôti de porc, un peu sec.





 Un p'tit bain pour se rafraichir


 Ce sont exclusivement les hommes qui tuent et découpent la tortue




 Hummmm !


    Nous sommes resté jusqu’à 18h mais les gens imbibé d’alcool depuis environs 36h devenaient un peu insupportable à la longue (t’es gentil mais t’es lourd à me demander 10 fois comment je m’appelle).

    Le soir, je profitais que le chef m’amène son petit fils pour m’excuser de ne pas avoir respecté la coutume et que je désirais la faire afin de le remercier. Il a acceptait en m’invitant à manger le lundi soir avec une de mes amis de Nouméa qui n’était pas encore rentrée. Un peu géné, je lui explique que c’est moi qui veut le remercier. Mais il insiste en me disant qu’on sera plus au calme pour faire connaissance. Bon bah c’est reparti alors !

    Il y avait encore quelques survivant qui continuaient à faire la fête. Impressionnant cette endurence ! Mais nous avons mangé au calme chez le chef avec sa famille qui regroupé tout de même enfant et petit enfant, nous étions une dizaine à table.

   Je garde un souvenir énorme de ce week-end, de cette chaleur humaine et de tout ce qui a été partagé entre tous.


   Quelques photos bonus parce qu'elles sont magnifiques. Noter que pour un fois ça n'est pas moi la photographe et du coup il y a quelques photos de moi.
Et un petit film souvenir qui vous permettra de palper l'ambience.


 Partage du calumet de la paix, ma cigarette électronique à faire le tour du clan


 Le chef de la tribu nous a tous fait des couronnes de feuille d'igname

Mes amis de Nouméa





Je me demande si lui n'était pas le grand chef du district, il a fait un grand discourt en langue kanak, que j'ai pas trop compris. En tout cas il a d'la gueule !





Et la petite vidéo pour la fin :)
Enjoy !


1 commentaire:

  1. Bonjour Amélie
    Je trouve particulièrement intéressante La fête de l'Igname ou le nouvel an Kanak
    Pourrais je mettre des extraits de ce que tu as écrit sur mon forum www.cafe-polyglotte.com car son but c'est créer du lien avec des personnes de cultures différentes. encore bravo ! si tu es d'accord peux tu me le dire à mbercez@nordnet.fr
    Bisous
    Muriel

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